Wed 1 Oct 2025
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Question de croire

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Question de croire


Nous vivons tous et toutes des moments de transitions au cours de nos vies. Nous changeons d’emploi; nous connaissons des ruptures; nous déménageons dans une autre région. Comment réagissons-nous durant ces moments? Quelles sont nos sources de réconforts dans ces événements voulus ou non?
 
Dans ce premier épisode de la quatrième saison, Joan et Stéphane nous partagent des moments personnels pour illustrer les réalités et les défis des transitions professionelles et intimes. 
 
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* Musique de Lesfm, pixabay.com. Utilisée avec permission. 
* Photo de Caleb Jones, unsplash.com. Utilisée avec permission.
 
Bonjour, bienvenue à Question de croire, un podcast qui aborde la foi et la spiritualité une question à la fois. Cette semaine, comment aborder les transitions professionnelles ?
Bonjour Stéphane. Bonjour Joan.
[Joan] On est de retour après un été un peu chargé de mon côté et du tien.
[Stéphane] Oui, moi aussi. J\'avais dit que j\'étais pour faire des capsules, peut-être cet été. Je n\'ai pas pu. Je m\'en excuse à toutes les personnes qui sont à l\'écoute. Ça a été très chargé.
 
Un déménagement pour Joan
 
[Joan] Et en parlant d\'ailleurs de transition, là on va transitionner vers les soixante-dix ou septante quelque chose épisode. Bravo à nous !
[Stéphane] Oui, notre quatrième saison.
[Joan] Et puis, moi j\'ai une grosse transition cet été puisque ça y est, on a déménagé en famille en Suisse, après plusieurs années, voilà, d\'exploration.
Pour démarrer un petit peu la thématique de cet épisode, il y a un collègue il n\'y a pas longtemps qui m\'a écrit un WhatsApp comme ça, mais comme on dit en anglais, out of nowhere, c\'est-à-dire vraiment qui est sorti de nulle part et il m\'a écrit, peut-être qu\'il se reconnaîtra, tu as trop de missions, je m\'y perds dans ton cahier des charges.
Et c\'est vrai qu\'entre cette période où j\'étais entre l\'Alsace et Zurich et puis l\'Alsace et Lausanne, et maintenant j\'ai un 80% pour les solidarités, notamment la migration et soutien aux paroisses autour d\'Yverdon.
Et j\'ai aussi un 20% pour toute l\'Église cantonale sur les questions d\'inclusivité et de conjugalité plurielle.
Alors moi, je le comprends. Il n\'y a pas que lui qui est perdu. Je crois que mes parents sont perdus. Moi-même, des fois, je suis un peu perdue, mais vraiment très, très heureuse.
Et puis aussi heureuse de te retrouver, Stéphane, et de retrouver les auditeuristes avec cet épisode de la rentrée.
 
Les changements au travail
 
[Stéphane] C\'est vrai que ça peut être déstabilisant, mais en même temps, les transitions professionnelles, les changements, les nouveaux boulots, c\'est une réalité de toutes les personnes.
Ce n\'est pas juste les pasteurs. Toutes les personnes à notre écoute, je suis pas mal convaincue, elles ont connu ou elles connaîtront beaucoup de changements de carrière, de boulot, de couple.
Ça fait partie des choses normales de la vie, mais on dirait que c\'est un petit peu plus difficile pour les pasteurs. On dirait que les gens aiment bien nous mettre comme dans une case.
Toi, tu es pasteur à tel endroit, puis toi, tu es pasteur à un autre endroit, et on peut être là pendant 10, 15 ans, et les gens sont surpris qu\'il y ait un changement.
Tandis que pour monsieur et madame, tout le monde qui nous écoute, oui, il y en a qui demeurent dans la même boîte pendant 10-15 ans, mais il y en a plusieurs qui changent et on ne se casse pas la tête avec ça.
 
Les transitions professionnelles
 
[Joan] Ça me touche ce que tu dis parce qu\'on a quitté vraiment une communauté qui était devenue une famille en Alsace, la paroisse Sous les Platanes, Grafenstaden, et on a eu droit à beaucoup de louanges, de prières, d\'accompagnement pour cette transition.
Et parmi les prières, il y avait aussi des prières qui étaient un petit peu des prières comme dans les psaumes, des prières un peu de lamentation.
Au moment de nous envoyer, certains ont eu besoin de laisser monter un cri vers le Seigneur et de dire « Mais pourquoi Seigneur? Pourquoi tu nous les enlèves? On ne comprend pas, pourquoi est-ce que ça s\'arrête? »
C\'est compliqué de comprendre les plans de Dieu.
Et puis, en même temps, moi, je me disais, c\'est beau de lancer ce cri vers Dieu. Et je trouve que cette confiance, elle est édifiante.
Mais d\'un autre côté, nous, on est des pasteurs. On est restés neuf années dans cette place. Je comprends tout à fait le cri vers le ciel. Et d\'un autre côté, je me dis, notre vocation à nous, c\'est d\'être un peu en itinérance, d\'être un peu en mouvement, en déplacement. Puis, comme tu dis, il y a beaucoup de métiers, en fait, où il y a du turnover.
Je me rappelle l\'une des réunions scolaires pour l\'une de mes filles où le chef d\'établissement a dit, « Écoutez, on va se mettre tout de suite d\'accord. Là, on va parler des options, des options scolaires pour cette année. Mais maintenant, en fait, tout peut servir. »
En fait, on n\'est plus dans une époque où tu rentres dans une boîte et puis on te fait la fête d\'au revoir pour la retraite 43 ans après ou quoi. On est dans une époque où vos enfants, en fait, ils vont changer peut-être dix fois de poste.
Et donc, si là, ils font une option scolaire qui ne vous semble pas nécessaire ou importante, vous n\'en savez rien, parce qu\'ils vont avoir un itinéraire professionnel très varié, très changeant.
Et moi, ça m\'a fait du bien, tu vois, qu\'il y ait ce grand temps de culte et de prière à l\'Église. Et j\'aimerais bien savoir, moi, les auditeurs, les auditrices, comment est-ce qu\'ils et elles vivent leur temps de transition.
 
Les transitions volontaires et involontaires
 
[Stéphane] Et il y a les transitions voulues, et il y a des moments où ce qu\'on est, pour prendre une expression que j\'aime bien, expulsé de notre zone de confort.
Quand je pense à des transitions voulues, je suis retourné aux études à 30 ans pour faire ma théologie. J\'avais un emploi, bon, ce n’était pas une grande carrière, ce n’était pas spectaculaire, mais j\'avais un boulot. L\'argent rentrait, tout allait bien.
Et j\'ai laissé ça derrière moi pour devenir pasteur parce que c\'est ce que je ressentais comme appel.
C\'est sûr que lorsque j\'ai partagé ça avec des gens avec qui j\'avais mon travail avant de rentrer aux études, ils étaient surpris. « Qu\'est-ce que c\'est ça? C\'est complètement différent de ce que tu fais. » « Oui, mais c\'est une autre facette de moi-même. On a plusieurs côtés dans notre personne,
Mais il y a aussi les moments où on perd notre emploi parce qu\'on se fait congédier, parce que la boîte ferme, parce qu\'on est obligé de fuir son pays.
Il y a ces transitions-là qui amènent plus de douleurs, avoir l\'impression de perdre quelque chose.
Oui, on peut toujours dire, ah, mais il y a des nouvelles possibilités qui s\'ouvrent devant soi, il y a de nouvelles façons de voir les choses, mais il y a ce côté-là, un peu de douleur, un côté d\'être peut-être un peu victime, dans le sens que ce n\'est pas soi qui prend pleinement la décision.
Il y a ces deux côtés-là au niveau des transitions et comment on navigue ça et comment on réagit aux transitions des autres. Joue un peu là-dedans, il faut avoir un peu de tact.
 
Les transitions dans nos vies personnelles
 
[Joan] Et puis, c\'est important de se donner du temps pour les transitions.
Et parfois, comme tu dis, on n\'a pas le temps. En fait, parfois, on subit des choses de plein fouet pour lesquelles on n\'est pas prête, je pense. Et puis, là, je mets un traumavertissement.
Je pense à l\'une de mes meilleures amies dont le mari était certes très malade. Ça, c\'est vrai, il était très malade.
La possibilité, l\'éventualité d\'une fin de vie était régulièrement évoquée par les médecins, mais à aucun moment on ne lui a dit qu\'il pouvait mourir d\'une crise cardiaque à cause des différents médicaments qu\'il prenait.
C\'est une éventualité à laquelle elle n\'était pas prête, elle n\'était pas préparée plus précisément. Et cette crise cardiaque lui est tombée dessus.
Et elle n\'a pas eu le temps de s\'y préparer du tout, contrairement à tout ce qu\'on lui avait dit sur les soins palliatifs qui lui auraient donné du temps finalement.
Et en l\'occurrence, je me rends compte combien, en proportion gardée, cet été, la direction d\'Église a décidé de me donner deux mois de remplacement en paroisse, de me laisser prendre des congés un peu longs, de me laisser prendre du temps pour le déménagement.
Tout ça, ça a été bienfaisant et ça m\'a aidée aussi à faire les différentes transitions entre les postes, entre les régions, entre les cures ou les presbytères. Et c\'est un privilège d\'avoir du temps, c\'est un privilège.
Et je crois que je vais me souvenir toute ma vie de ce temps qui m\'a été donné pour aller mieux, pour me reposer. Vraiment, ce mot, la reposer, il est important, je trouve.
J\'espère que moi-même, le jour où j\'aurai l\'occasion de donner du temps à quelqu\'un, je me rappellerai qu\'on m\'en a donné aussi.
 
L’importance des temps d’arrêt
 
[Stéphane] Je t\'écoute et ça me fait penser à cette traversée du désert des Hébreux.
Une des façons qu\'on nous a expliqué ça, c\'est que ça ne prend pas 40 ans de marcher d\'Égypte à la terre promise, mais il a fallu 40 ans pour que les gens acceptent de laisser aller une identité pour laisser place à une autre identité.
Et ce qui est quelque chose de positif là-dedans, aussi dans cette histoire, c\'est que malgré toutes les pérégrinations, les erreurs, les détours, Dieu était toujours là.
Et lorsqu\'on arrive à des endroits dans nos vies où on a l\'impression qu\'on traverse un désert.
Moi, j\'ai dû abandonner un poste pastoral malgré moi. Tout ce temps-là, entre deux postes pastorales, qui a duré environ presque 18 mois, j\'ai souvent appelé ça ma traversée du désert.
Parce que, du jour au lendemain, je n’avais plus rien. J\'avais encore de l\'argent, ce n’était pas ça le problème, mais j\'avais plus mon identité de pasteur, je ne savais pas quoi faire, je tournais en rond dans la maison. J\'ai dû énerver mon épouse huit fois par jour.
Mais parfois on a besoin de ce temps-là, de désert, de jachère, peu importe, avant de se relancer. Juste se poser, juste refaire son énergie, juste changer sa façon de voir les choses et réfléchir. Qu\'est-ce que je veux faire? C\'est quoi la prochaine étape?
Moi, je voulais continuer à être pasteur, mais peut-être que j\'aurais pu découvrir que c\'était autre chose. D\'être confronté presque malgré soi-même, parce que c\'est facile de dire on enchaîne les boulots, on enchaîne les contrats, ça va bien, mais d\'avoir ce moment-là où on est obligé de se poser la question, Est-ce que c\'est vraiment ça que je veux faire?
C\'est important aussi d\'avoir ce temps d\'arrêt C\'est frustrant lorsqu\'on est dedans, c\'est vraiment désagréable dans mon cas, mais c\'était très bénéfique pour moi en tant que personne.
 
Explorer ses temps de transitions
 
[Joan] Mais là, tu parles de temps d\'arrêt. Et parfois, c\'est important quand on fait une pause, quelque part, que quelqu\'un nous écoute.
Et je dois dire que vraiment, la Saint-Esprit m\'a donné un superviseur digne de confiance.
Voilà, je ne vais pas rajouter non plus des superlatifs et dire qu\'il est super génial et tout. Quelqu\'un que je connais dans le cadre de la supervision et qui, dans ce cadre-là, a su trouver la bonne posture qui me sécurise, qui me permet de me sentir accompagnée, reconnue, et puis aussi parfois challengée, interrogée, déplacée, parce que moi j\'ai besoin de ça aussi.
Et c\'est incroyable combien quelqu\'un qui t\'écoute et qui a la bonne place, qui te déplacent aussi un peu dans un questionnement bienveillant, ça aide pour un temps de transition, ça aide, mais formidablement.
Et on parle de quoi? On parle de deux, trois heures chaque deux mois, mais ça fait tout en fait. Et la supervision, pour celles et ceux qui peut-être ne connaissent pas le concept, ce n\'est pas tout à fait comme un ou une psychologue, c\'est-à-dire que la supervision peut avoir une dimension thérapeutique bien sûr, mais le ou la superviseure n\'est pas là pour t\'aider à réfléchir à tes traumas passés avec tes parents, ta famille, tes chéris.
Mais le ou la superviseure est là pour t\'aider à retrouver le fil, le fil spirituel, le fil de ta relation au Christ dans ta vie.
Et puis nous les ministres, elle est là pour nous aider aussi à relier en nous les choses qui font sens, à nous relier de nouveau à notre vocation, à notre appel au Christ, aux Écritures, voilà, le ou la superviseuse sont là pour ça.
C\'est un exercice qui a l\'air tout simple, mais ce tricotage-là, il demande quelque chose de très profond dans ces personnes, vraiment un ancrage profond dans le Christ.
 
Avoir une diversité de gens pour nous accompagner
 
[Stéphane] Et peut-être pour les personnes qui n\'ont pas la chance d\'avoir quelqu\'un de cette nature dans leur vie, il y a les proches aussi, il y a les amis, il y a la famille biologique et la famille choisie.
Et ce que j\'ai remarqué souvent, c\'est les personnes qui ont des cercles homogènes dans leurs amis, dans leurs collègues. C\'est bien d\'avoir des atomes crochus dans ce sens-là, mais lorsqu\'on est obligé de quitter une Église, où comme toi, ce n\'est pas juste une paroisse, tu changes de pays, tu changes de région, tout d\'un coup, ils n\'ont plus de proches, qui n\'ont plus de réseau et je pense que ça rend ces transitions professionnelles peut-être plus difficiles.
Souvent on me dit « bon, as-tu un bon cercle de support Stéphane en tant que pasteur? » Je dis oui et ce que je dis c\'est que j\'ai la chance d\'avoir plein d\'amis qui ne vont pas à l\'église. Les gens sont surpris.
Je dis oui, mais je peux parler de mon boulot comme tout le monde parle de son boulot à leurs proches et on se rejoint sur d\'autres choses. Je n’ai pas pris des personnes comme ça d\'une manière aléatoire sur la rue. On se rejoint sur d\'autres choses.
Mais c\'est peut-être important, justement, sachant que nous vivons tous et toutes des transitions professionnelles. De ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier parce que ça peut être une mauvaise surprise à un certain moment. Si tous nos amis sont reliés à un emploi, on perd l\'emploi, on peut perdre nos amis.
Il y a quelque chose de sain d\'avoir cette diversité-là autour de nous.
 
Ne pas fuir ses émotions durant les transitions
 
[Joan] Et puis tu parles d\'église avec le petit e, de paroisse, mais d\'une façon générale, mon expérience, c\'est que l\'Église n\'est pas très douée pour les situations sur le seuil. Alors le deuil, oui. On sait assez bien faire l\'absence, les étapes du deuil, accompagner les gens.
Mais je l\'ai remarqué avec notre départ d\'Alsace, la direction d\'Église en Alsace était toute paralysée, figée, stupéfaite. Je les comprends d\'un côté, deux pasteurs qui partent, ce n’est pas rien un couple de pasteurs.
Et puis, en même temps, je me dis que cette notion d\'être comme figé ou presque endormi ou assoupi, ça me rappelle cette fameuse nuit, cette fameuse nuit au Mont des Oliviers, où Jésus demande une seule chose à ses disciples, à ses copains, à ses plus proches, c\'est de veiller de ne pas s\'endormir.
Mais ils s\'endorment parce que peut-être la tension est trop forte, parce qu\'il y a trop d\'émotions. Et c\'est ça qui est compliqué dans les périodes de transition, c\'est que moi je suis là avec mes émotions, puis celles et ceux dont je me sépare ou qui font qu\'on se sépare, ils sont aussi tout pleins d\'émotions.
Et puis on aurait envie de croire que c\'est la faute des uns ou des autres. Mais non, la situation est super inconfortable et elle ne peut que révéler ce trop plein d\'émotions.
Et d\'ailleurs, je parlais avec une personne qui m\'est proche et chère et qui est dans un processus de séparation avec une autre personne qui m\'est aussi proche.
Cette personne me disait, voilà, les cartons sont en train d\'être faits, on est en train de regarder ensemble dans les armoires qu\'est-ce qui appartient à qui, et puis tous les soirs on pleure.
Mais on finit de pleurer ensemble et puis on va chacun se coucher dans son lit et avant de se coucher on se dit bonne nuit, c\'est quand même la bonne décision.
Et je suis très touchée par ça parce que parfois la situation est... Terriblement prenante, exigeante, mais ça reste la bonne décision. C\'est quand même ça qu\'il faut faire.
 
Les multiples raisons derrières nos transitions
 
[Stéphane] Tu as touché un point intéressant, c\'est qu\'on ne comprend pas toujours.
On ne sait pas toutes les histoires derrière les choix. Je vais te partager ça.
J\'ai eu une conversation en 2011. Je travaillais dans un comité pour préparer le Conseil général de l\'Église unie du Canada.
Il y avait une personne qui travaillait pour l\'Église, Karen Smart. Je ne crois pas qu\'elle nous écoute, elle n\'est pas bilingue.
Et moi, un peu plus jeune, un peu moins sage, j\'ai dit « Ah, moi, je suis un pasteur de paroisse. Moi, je ne serais pas capable de faire autre chose. C\'est ça mon appel.
Et elle m\'a regardé ici. « Penses-tu que moi, vraiment, je voulais un poste administratif dans l\'Église? C\'était mon premier choix. »
Puis là, elle m\'explique qu\'elle a un enfant qui a un handicap physique et qu\'un horaire de pasteur de paroisse qu\'elle avait, c\'était devenu trop difficile parce que sa fille avait des besoins, il y avait des traitements, il y avait des choses comme ça.
Donc, elle a choisi un poste avec un horaire plus régulier pour avoir une meilleure présence auprès d\'elle. Elle a fait ce choix, elle l\'assumait très bien, mais ce n’était peut-être pas son premier choix. Elle a fait cette transition-là pour le bien de sa famille.
Et je peux pas m\'empêcher de regarder qu\'à 15 ans plus tard, j\'ai quitté un poste de paroisse pour accepter un poste administratif dans mon Église.
On m\'a offert un très beau poste, mais il y a une partie que, oui, j\'ai acceptée pour être plus proche de mon épouse et de mon fils, parce qu\'il y a des enjeux pour chacun, et d\'avoir un horaire un peu plus stable, un peu plus régulier, c\'était bien pour ma famille. Des fois, il y a aussi ça dans les transitions professionnelles.
On fait des choix pour soi, peut-être pour les autres qu\'on aime, puis c\'est important, et les gens ne comprennent pas toujours. Ils prennent pour acquis ou « Ah, bon, un tel a pris ce poste-là parce que ça payait plus. » Peut-être, mais ça permet d\'être plus à la maison. C\'est peut-être ça qui a joué.
Donc, parfois, il faut faire attention à ces choses-là lorsqu\'il y a transition professionnelle.
 
Changer pour suivre son appel
 
[Joan] Bien sûr, tout un chacun peut voir ma situation à tel ou tel endroit.
Par exemple, je pense à ces deux personnes qui se séparent. Et la plupart des gens pourraient se dire qu\'il n\'y a aucune raison que ces personnes se séparent. Et puis, peut-être aussi nous, dans une certaine mesure, on était si bien dans notre communauté en Alsace.
Mais il y a toujours la question qui est de savoir où est ma meilleure place. Où est-ce que je vais rayonner, en fait ? Où est-ce que je vais pouvoir vivre pleinement ma vocation ?
Et ça, parfois, ça demande des tâtonnements, ça demande des essais, ça demande des transitions, ça demande des changements, ça demande des ruptures.
On est vraiment très, très, très, très loin des itinéraires de jadis, c\'est vrai. Et peut-être que l’on contribue comme ça à la fragmentation du monde, et peut-être que c\'est une mauvaise chose, peut-être qu\'on devra avoir beaucoup plus de discipline et s\'obliger à rester à des endroits pour des raisons, par exemple, je ne sais pas moi, des directives d\'Église.
Mais d\'un autre côté, il n\'y aurait pas beaucoup de sens, parce que c\'est devenu si important pour tout un chacun, cette notion un peu de développement personnel.
Alors moi, je ne prends pas le côté New Age, mais je prends le côté, comment est-ce que je peux rayonner l\'amour du Christ ? Comment est-ce que je peux le mieux être détendue dans ma relation aux autres, comment est-ce que je suis la mieux positionnée pour servir le Christ et son Église ?
Alors peut-être que beaucoup, beaucoup de nos prédécesseurs, prédécesseuristes l\'ont fait par contrainte, par question morale, par obligation, et peut-être que ça a porté du fruit, et puis voilà, vraiment je remets ça entre les mains de Dieu.
Mais je crois que ce n’est pas vraiment comme ça qu\'on va donner envie à d\'autres de répondre à leur appel et de rentrer dans cette vocation. Je pense même qu\'en termes d\'exemple, c\'est quand même mieux qu\'on fasse les choses de façon à rayonner, de façon à être à la bonne place.
 
Faire des transitions pour demeurer authentique
 
[Stéphane] Tu me diras si c\'est un peu la même chose dans ton coin du monde, mais ici tout est une question d\'authenticité. Mais je pense qu\'il y a quelque chose derrière ça.
Lorsqu\'on travaille avec des gens, nous en tant que pasteur, il y a plein d\'autres boulots, il y a plein d\'autres métiers et professions. Il faut être quelque part vrai. Si on sent que ce n\'est pas incarné, ce n\'est pas vécu, les gens s\'en rendent compte.
En même temps, ça amène un défi parce qu’on veut être authentique, mais il y a quand même la pression. Je te donne un exemple.
Je ne suis plus en paroisse. Donc, la question qu\'on me pose régulièrement, c\'est à quelle paroisse vas-tu maintenant? Parce que tu es un pasteur. Tu n\'es peut-être pas assigné à une paroisse, mais il faut que tu ailles à l\'église.
Eh bien, mes chers amis, je vais vous annoncer très honnêtement que ça fait environ huit mois que je n\'ai pas été au culte le dimanche matin. Mais la question c\'est, est-ce que je suis encore un pasteur? Est-ce que je suis encore un croyant? Moi je pense que oui, je fais toujours du ministère.
Je n’ai pas arrêté pendant que j\'étais en paroisse de dire aux gens, dimanche matin c\'est bien mais vivre sa foi tous les jours, toutes les heures de la semaine, moi je trouve c\'est bien aussi, c\'est tout aussi bon.
On essaie de trouver son chemin, on essaie d\'être authentique, on essaie de concilier nos valeurs, notre profession, nos demandes, nos obligations. Comment trouver un milieu là-dedans?
Quand on est en transition, comme toi, on change de région, on change de pays, quand on change de boulot, peut-être qu\'on est obligé de changer de réseau. On veut demeurer honnête et en même temps on veut se donner de la place. Comment qu\'on fait tout ça, ce n’est pas facile.
Il y a cette pression extérieure de dire oui mais il faudrait que... Je comprends, mais il faudrait aussi que je dorme une fois de temps en temps, il faudrait que je vois mes amis aussi une fois de temps en temps, il faudrait que je garde une santé mentale, émotive et spirituelle une fois de temps en temps.
Donc, il y a tout ce tiraillement et peut-être, comme tu disais, on est peut-être un peu mal équipé ou on ne réfléchit peut-être pas assez sur tous ces enjeux-là.
 
Transition en sororité
 
[Joan] En fait, l\'année dernière, il y avait tellement de transitions autour de moi, dans ma propre vie professionnelle, avec cette amie qui a perdu brusquement son mari, une autre amie qui divorçait, une autre qui se séparait. Autour de moi, c\'était un genre de tourbillon.
Et donc, j\'ai proposé à ces trois amies-là qu\'on fasse un groupe WhatsApp qui s\'appelait « Transition en sororité ». Et on se racontait un petit peu tout le bazar que c\'était de changer, de changer de statut.
Alors, ma copine qui est devenue veuve d\'un seul coup, elle a découvert des trucs fous autour du veuvage, les dossiers dont s\'occupait son mari.
Puis quand elle voulait les reprendre, s\'il y avait des hommes autour, ils disaient « laisse, laisse, laisse-moi faire, maintenant que tu n\'as plus de mari ». J\'aimerais vraiment garder la main sur les histoires de voitures ou de banques, s\'il te plaît. On s\'est rendu compte de plein de choses en discutant comme ça.
Et cette période de transition, finalement, comme on l\'a partagée à plusieurs, elle est devenue en tout cas pour la plupart trois au moins sur les quatre, c\'est devenu un temps d\'apprentissage, un temps d\'exploration, un temps où on s\'envoyait aussi à différents niveaux, chacune à un autre type de spiritualité, mais on s\'envoyait beaucoup de ressources aussi intérieures pour cultiver un peu ce jardin intérieur, le lieu qui me relie à Jésus-Christ. Et puis, elles, ça se verbalisait autrement, mais c\'était aussi hyper enrichissant.
Et donc, je trouve que c\'est beau de reconnaître que c\'est difficile et puis de pouvoir faire appel à d\'autres pour traverser ça, pour dépasser ça. J\'ai une de mes meilleures amies qui va quitter un poste incroyablement, comment est-ce qu\'on pourrait dire, coté.
Le genre de postes où plein de gens font « waouh, waouh, dis donc, waouh ». Surtout à Paris, parce qu\'elle a senti un appel en elle, comme toi un peu, pour reprendre les études de théologie. Elle ne s\'est pas pour reprendre les études de théologie, mais elle a senti un appel en elle pour vivre tout à fait autre chose dans sa vie, pour être, comme tu dis, plus authentique.
Elle vit une grande phase de transition comme ça. Elle a l\'espace et la possibilité, peut-être financière aussi, peut-être l\'environnement, comme tu dis, comme tu l\'as fait toi pendant un an et demi, de regarder les choses en face et de les poser.
C\'est vrai que ça peut être un temps un peu dépressif. On pense à Eli, qui après avoir fait un certain nombre de conneries, des choses pas toujours très bien, tué des tas de gens, il passe par ce temps-là de dépression, un peu de déserts, et puis il cherche Dieu, il le cherche partout. Comme c\'est écrit dans la Bible, Dieu c\'est une petite brise, comme ça.
Mais peut-être qu\'on a besoin de passer par des moments comme ça jusqu\'à ce qu\'on ait cette brise, qu\'on ait ce petit vent, ce petit souffle, qu\'on le suive.
 
Conclusion
 
[Joan] Et tu sais, il y a une phrase qui m\'énerve un petit peu des fois, qu\'on utilise beaucoup dans les milieux chrétiens. J\'aimerais bien voir l\'avis des auditeurs, auditoristes, pour savoir si ça s\'utilise ailleurs.
Mais quand on nous dit « le meilleur est à venir ». Et puis alors, si tu veux être malin, tu écris « avenir » comme l\'avenir, le futur, quoi, le meilleur est à venir.
Mais c\'est vrai que c\'est quelque chose qu\'il faut qu\'on rappelle aux gens qui sont en transition, parce que quand t\'es dedans, quand t\'es vraiment là, dans le truc compliqué, t\'as vraiment l\'impression que t\'as laissé, comme tu dis, la terre où t\'avais tout, même si c\'était une terre un peu d\'esclavage, et que tu t\'en vas vers quoi, en fait ?
Bon, bah allez, hop, on y va. Le meilleur est à venir.
[Stéphane] Et c\'est le cas pour notre podcast parce qu\'il y aura plein d\'épisodes en cette quatrième saison.
[Joan] Envoyez-nous des questions.
[Stéphane] Oui, vos suggestions, on en a eu quelques-unes cet été, ne gênez-vous pas. Je veux prendre quelques secondes pour remercier l\'Église unie du Canada, notre commanditaire.
Peu importe la plateforme sur laquelle vous nous écoutez, n\'oubliez pas d\'aimer, de vous abonner, si on peut laisser un commentaire ou une note, et de partager.
Alors, si vous voulez nous contacter, j\'ai oublié de vous donner l\'adresse courriel [email protected]. Merci, Joan, pour cette nouvelle saison.
[Joan] Merci Stéphane pour la confiance et merci l\'Église Unie du Canada.
[Stéphane] À très bientôt, au revoir.
[Joan] Au revoir.