Tue 7 Jun 2022
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Mission encre noire

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Mission encre noire Tome 35 Chapitre 385. Les pénitences par Alex Viens paru en 2022 aux éditions Le cheval d’août. Lorsque Denis verrouille la deuxième serrure et met la clé dans sa poche, Jules regrette son choix. Elle s’est présenté à contre cœur devant l’appartement de son père après un silence de dix ans. Ce qu'elle tient dans la main, un objet lourd de conséquence et de tourment, pourrait bien réveiller le monstre. Elle doit le lui remettre. Ce qui devait être une visite rapide dérape dans un crescendo de violence bien connu. Résignée, elle doit affronter ce qui l’attend dans cette pièce mal ventilée. Denis et Jules se rejoue la scène d’un pitoyable théâtre mille fois répétée. Ceci en est l’apothéose finale. Jules ressuscite ses années noires. La séparation de ses parents, l’horreur qui s’immisce dans le petit quatre et demie de l’est de Rosemont, les deux sœurs souvent enfermées pendant des heures, les punitions et la fuite. Le ton monocorde de l’auteurice reste sec alors que son personnage se confronte à l’autorité imbécile d’un père aux abois. Portées par la voix de Robert Smith des The cure, le récit prend des allures de thriller virant au cauchemar. Pour un premier roman, on devient vite accroc à l’écriture vigoureuse d’Alex Viens, qui revisite sans complaisance sa propre histoire et règle quelques comptes au passage. Alex Viens est invité à Mission encre noire.
Extrait:« Jules s'est rassise sur le divan, l'air sage. La porte pourrait s'ouvrir d'une seconde à l'autre. Elle est prête. Quand Denis sortira, il ira s'asseoir sur le sofa avec sa fille, lui dira que la crise a assez duré, qu'ils ne gagnent rien à rester coincés ensemble dans cette prison de mélamine. Jules espère que Denis devine à travers la porte la soudaine docilité de sa fille, et qu'il lui ouvre son coeur et ses bras pour l'inviter à se réconcilier, malgré tout, comme le font les gens équilibrés qui désirent se parler à Noël autour des crevettes cocktail. Pour rétablir le calme, il incombera à Jules de demander pardon en assumant seule toute l'agressivité de cette soirée, comme on le lui a appris. Elle endossera le rôle de petite fille sage et Denis constatera qu'elle a appris sa leçon, qu'il a eu raison de l'enfermer pour qu'elle reconnaisse enfin être à l'origine de l'alcoolisme rampant de Charlie et convienne que le corps de sa soeur broyé par la voiture n'était pas seulement un accident causé par un amour héréditaire de la bouteille, mais bien une conséquence directe de sa lâcheté. Jules répète mentalement son discours afin de le réciter de manière convaincante lorsque Denis lui demandera de s'excuser, comme il l'a toujours fait après avoir laissé ses filles réfléchir quelques heures dans leur chambre.»
Moebius 173. «Je cultive je jardin de la furie» un numéro dirigé par Lula Carballo et Olivia Tapiero. Si cultiver, c’est remuer la terre, notre terre intime, notre passé, nos mythes, en gardant à l’esprit l’inévitable finitude des choses, cultiver, c’est également en récolter les fruits. Ce numéro dont la citation phare est tirée d’un vers d’Alejandra Pizarnik publié dans son recueil de poésie Poesia completa paru chez Lumen en 20211, évoque la fureur, ce sentiment de colère sans mesure, de délire, de frénésie qui s’emparent des plumes des auteur.i.c.e.s ici présent.e.s: Marie Audran, Amélie Bélanger, Aglaé Boivin, Nicole Brossard, Geneviève Dufour, Audrey-Ann Gascon, Alegria Gobeil, Marc-Olivier Hamelin, Rosy L. Daneault, Benjamin Lachance, Ayavi Lake, Rachel Larivière, Nathalie Vanderlinden. Nicholas Dawson nous donne accès à une visite inédite de l'atelier et à l'art de Manuel Mathieu, l'artiste en résidence. Marie-Célie Agnant est l'écrivaine en résidence, Luba Markovskaia s'empare de la rubrique Création. Blaise Ndala, celle de la lettre à un.e écrivain.e vivant.e. Les co-pilotes de ce nouveau numéro de la revue Moebius, Lula Carballo et Olivia Tapiero sont à Mission encre noire. 
Extrait:« Mais regardez-la la fille avec sa langue morte sur son plateau. Regardez bien, car il y a quelque chose qui existe entre le texte de la fille qui a écrit le livre et cette histoire: ça s'appelle le carnaval. C'est comme le fracas: l'éditeur aime le carnaval, mais seulement dans les livres. Dans le livre merveilleux, il y a un gros carnaval au coeur d'une propriété au terme duquel tous les exploités prennent la fuite, parce qu'ils ont endormi la vigilance des patrons en leur faisant boire du whisky, et que ceux-ci se sont écroulés dans leur ivresse. Alors regardez bien la fille avec sa langue qui convulse sur son plateau. Si vous regardez de plus près, la fille n'est pas toute seule. Il y a plusieurs filles qui viennent de l'horizon et du soleil. Elles apportent des langues mortes et violettes sur des plateaux en argent qui font briller le désert. Elles sont nombreuses. Et ce ne sont pas que des filles. Comprenez: là, ce qui nous intéresse, c'est pas le fracas imprimé, c'est le fracas en off, le fracas en coulisse, le magma encore sourd, encore enterré, la convulsion. Ce qui nous intéresse, c'est le vrai fracas qui effrite vraiment la réalité contrôlée sur Instagram et vendue aux magazines, aux journaux et aux libraires. Regardez bien, car c'est imminent: il est maintenant question de transformer la sidération que provoque la vue de la langue arrachée sur le plateau, en action.» Marie Audran, Regardez-la la fille Moebius 173.